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Touteconscience est conscience de quelque chose. Husserl Edmund. citation. Tweet Share Share. Share. Toute conscience est conscience de quelque chose. MĂ©ditations cartĂ©siennes (1931) Citations de Edmund Husserl Edmund Husserl. Autres citations. Octobre a toutes les colĂšres, â Novembre a toutes les chansons â Des ruisseaux dĂ©bordant dâeau claire, â E GĂ©rard
Un livre de Wikilivres. La conscience est l'intuition plus ou moins claire qu'a un individu de ses Ă©tats mentaux, de son existence et du monde qui l'entoure objets et ĂȘtres potentiellement douĂ©s de conscience. La conscience porte donc sur ce qui se passe dans l'esprit d'un individu ses opĂ©rations cognitives raisonnements, jugements, ses attitudes propositionnelles je crois que, je souhaite que, les aspects de sa personnalitĂ© et de ses actions identitĂ© du soi et conscience morale, ses perceptions internes corps propre et les effets subjectifs de l'expĂ©rience sensible appelĂ©s qualia ; elle porte Ă©galement sur le monde extĂ©rieur, sur l'environnement, sur des entitĂ©s vivantes douĂ©es ou non de conscience autrui, ce qui semble faire de la conscience un critĂšre de distinction entre un moi et un non-moi c'est de moi dont j'ai conscience. DĂ©signant deux rĂ©alitĂ©s distinctes, le mot conscience est utilisĂ© dans des expressions distinctes, ou bien il existe, dans certaines langues, des mots distincts, ce qui Ă©vite d'en confondre les diffĂ©rents sens le fait pour un ĂȘtre de possĂ©der une reprĂ©sentation, mĂȘme trĂšs simplifiĂ©e, du monde extĂ©rieur et d'y rĂ©agir se nomme conscience du monde ou en anglais awareness ; le fait pour un ĂȘtre de possĂ©der une reprĂ©sentation, mĂȘme trĂšs simplifiĂ©e, de certaines activitĂ©s qu'il rapporte Ă un soi-mĂȘme se nomme conscience de soi, ou en anglais consciousness. On considĂšre en gĂ©nĂ©ral que cette seconde forme de conscience inclut la premiĂšre. L'Ă©tude de la conscience concerne plusieurs disciplines, la psychologie, la psychiatrie, la philosophie de l'esprit et la philosophie de l'action, et il existe dans chacune plusieurs types de thĂ©ories de la conscience qui s'efforcent de rendre compte de ce phĂ©nomĂšne. Il est possible de ramener les principaux problĂšmes de ces disciplines Ă quelques questions fondamentales quelle est la nature de la conscience ? quelle est l'origine de la conscience ? comment se constitue-t-elle ou comment se dĂ©veloppe-t-elle ? quel est son mode d'existence ? comment peut-elle exister Ă partir d'entitĂ©s non-conscientes ? quelles sont ses propriĂ©tĂ©s ? quelle est sa fonction ? a-t-elle une causalitĂ© propre et, si oui, de quelle nature ? quelles relations la conscience a-t-elle avec les autres phĂ©nomĂšnes de la rĂ©alitĂ©, physiques et mentaux ? Manuel de philosophie Sujet Conscience - PerceptionInconscient - Autrui - DĂ©sirExistence et temps Culture Langage - ArtTravail et techniqueReligion - Histoire Raison et rĂ©el ThĂ©orie et expĂ©rienceDĂ©monstrationInterprĂ©tation - VivantMatiĂšre et esprit - VĂ©ritĂ© Politique SociĂ©tĂ©Justice et droit - Ătat Morale LibertĂ© - Devoir - Bonheur RepĂšres Origine du mot[modifier modifier le wikicode] Il n'existe aucun concept comparable Ă celui de conscience dans la philosophie grecque, et ce n'est qu'au XVIIĂšme siĂšcle que le terme devient un fondement de la rĂ©flexion sur l'esprit. Chez certains auteurs romains, le mot latin prend une dimension morale dĂ©rivĂ©e du droit, exprimant le fait de se prendre soi-mĂȘme pour tĂ©moin. Le concept de conscience n'a Ă©tĂ© isolĂ© de sa signification morale qu'Ă partir de Locke, dans son Essai sur l'entendement humain. Avant lui le mot conscience n'a jamais le sens moderne. En particulier, Descartes ne l'emploie quasiment jamais en ce sens, bien qu'il dĂ©finisse la pensĂ©e comme une conscience des opĂ©rations qui se produisent en nous cf. Principes de la philosophie. C'est le traducteur de Locke, Pierre Coste, qui a introduit l'usage moderne du mot conscience donc, en français, mais le sens du mot consciouness Ă©tait bien sĂ»r tout aussi nouveau associĂ© Ă l'idĂ©e d'un soi-mĂȘme dont la conscience exprime l'identitĂ©. Distinctions des sens du mot conscience[modifier modifier le wikicode] Le concept de conscience a de nombreux sens que l'on peut s'efforcer de distinguer, bien que dans certains cas, ces diffĂ©rences soient surtout des diffĂ©rences de degrĂ©s La conscience comme sensation tout ĂȘtre douĂ© de sensibilitĂ© peut ĂȘtre dit conscient, dans la mesure oĂč il perçoit son environnement et oĂč il rĂ©pond Ă des stimuli ; la conscience spontanĂ©e, sentiment intĂ©rieur immĂ©diat ; certains philosophes de l'AntiquitĂ© par exemple les StoĂŻciens parlent de toucher intĂ©rieur ; on peut distinguer une Ă©tape supĂ©rieure, en signifiant par le mot conscience un Ă©tat d'Ă©veil de l'organisme, Ă©tat qui diffĂšre du prĂ©cĂ©dent par le fait qu'il ne se rĂ©duit pas Ă la passivitĂ© de la sensibilitĂ© cf. en anglais, le mot wakefulness, vigilance, alerte; en ce sens, il n'y a pas de conscience dans l'Ă©tat de sommeil profond ou dans le coma ; Conscience de soi la conscience est la prĂ©sence de l'esprit Ă lui-mĂȘme dans ses reprĂ©sentations, comme connaissance rĂ©flexive du sujet qui se sait percevant. Par cette prĂ©sence, un individu prend connaissance, par un sentiment ou une intuition intĂ©rieurs, d'Ă©tats psychiques qu'il se rapporte Ă lui-mĂȘme en tant que sujet. Cette rĂ©flexivitĂ© renvoie Ă une unitĂ© problĂ©matique du moi et de la pensĂ©e, et Ă la croyance tout aussi problĂ©matique que nous sommes Ă l'origine de nos actes ; ce dernier sens est une connaissance de notre Ă©tat conscient aux premiers sens. Le domaine d'application est assez imprĂ©cis et comporte des degrĂ©s s'il s'agit d'une conscience claire et explicite, les enfants ne possĂšdent sans doute pas la conscience en ce sens ; s'il s'agit d'un degrĂ© moindre de conscience, d'une sorte d'Ă©veil Ă soi, alors non seulement les enfants peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme conscients, mais peut-ĂȘtre aussi certains animaux. un autre sens du mot conscience a Ă©tĂ© introduit par le philosophe Thomas Nagel il s'agit de la conscience pour un ĂȘtre de ce que cela fait d'ĂȘtre ce qu'il est. la conscience comme conscience de quelque chose conscience transitive, opposĂ©e Ă l'intransitivitĂ© du fait d'ĂȘtre conscient. Cette conscience renvoie Ă l'existence problĂ©matique du monde extĂ©rieur et Ă notre capacitĂ© de le connaĂźtre ; la conscience intellectuelle, intuition des essences ou des concepts. la conscience phĂ©nomĂ©nale, en tant que structure de notre expĂ©rience. Dans l'ensemble de ces distinctions, on peut noter une conception de la conscience comme savoir de soi et perception immĂ©diate de la pensĂ©e, et une autre comme sentiment de soi impliquant un sous-bassement obscur et un devenir conscient qui sont en gĂ©nĂ©ral exclus de la premiĂšre conception. Le concept de conscience peut ĂȘtre opposĂ© Ă l'inconscient, Ă l'inconscience, Ă l'inattention, Ă la distraction, au divertissement, etc. conscience morale est le jugement moral de nos actions. Dans ce cas, la conscience nous permet de distinguer le bien du mal. C'est le sens premier du mot "conscience", que l'on trouve chez CicĂ©ron et Quintillien. Les propriĂ©tĂ©s de la conscience[modifier modifier le wikicode] La conscience prĂ©sente certains traits caractĂ©ristiques Le rapport au moi ; la subjectivitĂ© la conscience que j'ai de moi-mĂȘme est distincte de celle d'autrui ; la structure phĂ©nomĂ©nale ; la mĂ©moire ; la disponibilitĂ©, ou libertĂ© de la conscience Ă l'Ă©gard des objets du monde ; la temporalitĂ© ; la sĂ©lectivitĂ© ; lâintentionnalitĂ© toute conscience est conscience de quelque chose, est tournĂ©e vers autre chose quâelle-mĂȘme "la conscience n'a pas de dedans, elle n'est rien que le dehors d'elle-mĂȘme." Sartre ; l'unitĂ© ou synthĂšse de l'expĂ©rience. Conscience de soi[modifier modifier le wikicode] La conscience s'accompagne de souvenirs, de sentiments, de sensations et de savoir que nous rapportons Ă une rĂ©alitĂ© intĂ©rieure que nous nommons moi. Cette conscience est appelĂ©e conscience de soi, et est structurĂ©e par la mĂ©moire et l'entendement. Elle est en ce sens une unitĂ© synthĂ©tique sous-jacente Ă tous nos comportements volontaires. Les Ă©lĂ©ments qu'elle contient, souvenirs, sentiments, jugements, dĂ©pendent d'un contexte culturel, ce qui fait de la conscience de soi une rĂ©alitĂ© empirique changeante et multiple. L'unitĂ© et la permanence du moi ne sont donc pas garanties par l'unitĂ© de la conscience. Le rapport en premiĂšre personne[modifier modifier le wikicode] L'introspection est la rĂ©elle source de connaissances sur la conscience qui vient gĂ©nĂ©ralement tout de suite Ă l'esprit quand on pose la question de la mĂ©thode d'investigation Ă suivre. C'est un fait que nous pensons avoir un accĂšs privilĂ©giĂ© Ă notre esprit, accĂšs dont la conscience serait l'expression. Mais l'investigation de notre vie mentale n'est certainement pas suffisante pour Ă©laborer une thĂ©orie de la conscience Ă©tendue il est mĂȘme nĂ©cessaire d'examiner la conscience Ă la troisiĂšme personne, et de se demander comment il peut ĂȘtre possible d'observer la conscience de l'extĂ©rieur. Courant de conscience[modifier modifier le wikicode] L'idĂ©e de conscience de soi pose le problĂšme de l'unitĂ© d'un sujet, d'un moi ou d'un conscience. On peut trĂšs gĂ©nĂ©ralement distinguer deux types d'hypothĂšse la conscience est l'expression d'une unitĂ© interne ; cette unitĂ© peut ĂȘtre comprise de diffĂ©rentes maniĂšres unitĂ© d'un individu ; unitĂ© transcendantale. la conscience n'est qu'une liaison d'agrĂ©gats d'impressions Hume qui peut ĂȘtre dĂ©crite comme une suite plus ou moins cohĂ©rentes de rĂ©cits sur un sujet purement virtuel. Conscience du monde extĂ©rieur[modifier modifier le wikicode] Selon Husserl, qui reprend un concept mĂ©diĂ©val, toute conscience est conscience de quelque chose. Cela suppose que la conscience soit un effort d'attention qui se concentre autour d'un objet. Cette concentration est structurĂ©e par l'expĂ©rience ou par des catĂ©gories a priori de l'entendement, structures que l'on considĂšre parfois comme les fondements de toute connaissance du monde extĂ©rieur. Dans l'idĂ©alisme moderne la conscience est ainsi la source et l'origine de la science et de la philosophie. Structure phĂ©nomĂ©nale de la conscience[modifier modifier le wikicode] Dans la question de savoir quelles relations la conscience entretient avec la rĂ©alitĂ© en gĂ©nĂ©ral, une description phĂ©nomĂ©nologique rĂ©pond que celle-ci a une structure spatiale et temporelle, structure qui est une organisation des concepts qui concernent notre expĂ©rience du monde et nous-mĂȘmes en tant qu'acteurs de ce monde. Conscience morale[modifier modifier le wikicode] Les thĂ©ories de la conscience[modifier modifier le wikicode] La rĂ©alitĂ© de la conscience[modifier modifier le wikicode] Les questions de savoir ce qui caractĂ©rise la conscience, quels sont sa fonction et ses rapports avec elle-mĂȘme ne prĂ©jugent pas nĂ©cessairement du statut ontologique qu'il est possible de lui donner. On peut par exemple considĂ©rer que la conscience est une partie de la rĂ©alitĂ© qui se manifeste dans des Ă©tats de conscience tout en Ă©tant plus qu'une simple abstraction produite Ă partir de l'adjectif "conscient". Cette thĂšse rĂ©aliste n'a plus beaucoup de dĂ©fenseurs de nos jours. L'une des raisons est que l'investigation descriptive rend inutile ce genre d'hypothĂšses rĂ©alistes. Dualisme Physicalisme La conscience du point de vue matĂ©rialiste ThĂ©ories cognitivistes Ă quoi sert la conscience ?[modifier modifier le wikicode] RĂ©gulation du comportement et interface avec le monde extĂ©rieur selon la thĂ©orie de l' access consciousness, l'Ă©tat de conscience est un accĂšs Ă une information susceptible d'ĂȘtre utile Ă l'organisme et de le guider. La conscience est donc un Ă©tat indĂ©pendant Ă la fois de ce que cela fait d'ĂȘtre conscient de telle ou telle chose et de toute idĂ©e de structure phĂ©nomĂ©nale. Fonction sociales Sujets de dissertation[modifier modifier le wikicode] La conscience est-elle une exclusivitĂ© humaine ? N'exprime-t-on que ce dont on a conscience ? Les consciences peuvent-elles communiquer les unes avec les autres ? La conscience peut-elle ĂȘtre objective ? La conscience me fait-elle connaĂźtre que je suis libre ? La conscience rĂšgne mais ne gouverne pas. La conscience de soi doit-elle quelque chose Ă la prĂ©sence d'autrui ? Peut-on connaĂźtre le moi ? Le monde a-t-il besoin de moi ? Suis-je le mieux placĂ© pour savoir ce que je suis ? Suis-je ce que j'ai conscience d'ĂȘtre ? Peut-on ne pas ĂȘtre soi-mĂȘme ? Le moi est-il haĂŻssable ? Pourquoi prive-t-on l'animal de conscience ? La certitude est-elle un signe de pensĂ©e morte ? Sommes nous conscients ou avons nous Ă nous rendre conscients? Peut-on connaĂźtre le moi ? Que peut-on savoir de soi ? Suis-je responsable de ce dont je nâai pas conscience ? Peut-on dire que le corps est le malheur de la conscience ? Peut-on ne pas savoir ce que lâon fait ? Peut-on ĂȘtre Ă la fois sage et ignorant ? Doit-on apprendre Ă devenir soi-mĂȘme? Peut-on douter de tout ? Peut-on ne pas ĂȘtre soi-mĂȘme ? Puis-je savoir qui je suis ? Suis-je le mieux placĂ© pour me connaĂźtre moi-mĂȘme ? Pourquoi l'homme peut-il parfois dĂ©sirer l'inconscience ? Peut-on parler de connaissance de soi ? Qu'est-ce que se connaĂźtre soi-mĂȘme ? Que peut-on savoir de soi ? Qu'est-ce qu'avoir bonne conscience ? Suffit-il d'ĂȘtre conscient pour se connaĂźtre ? Peut on se fier Ă la conscience? La conscience est-elle source de libertĂ© ou de contraintes ? LâUnivers peut-il ĂȘtre conscient de lui-mĂȘme ? Textes d'Ă©tudes[modifier modifier le wikicode] Platon, Charmide[modifier modifier le wikicode] CRITIAS. J'aurais mĂȘme presque envie de dire que se connaĂźtre soi-mĂȘme, c'est cela la sagesse, et je suis d'accord avec l'auteur de l'inscription de Delphes. ... VoilĂ en quels termes, diffĂ©rents de ceux des hommes, le dieu s'adresse Ă ceux qui entrent dans son temple si je comprends bien l'intention de l'auteur de l'inscription. Ă chaque visiteur, il ne dit rien d'autre, en vĂ©ritĂ©, que Sois sage ! » Certes, il s'exprime en termes un peu Ă©nigmatiques, en sa qualitĂ© de devin. Donc, selon l'inscription et selon moi, connais-toi toi-mĂȘme » et sois sage », c'est la mĂȘme chose ! ... SOCRATE. Dis-moi donc ce que tu penses de la sagesse. CRITIAS. Je pense que seule entre toutes les sciences, la sagesse est science d'elle-mĂȘme et des autres sciences. SOCRATE. Donc elle sera aussi la science de l'ignorance, si elle l'est de la science ? CRITIAS. AssurĂ©ment. SOCRATE. En ce cas, le sage seule connaĂźtra lui-mĂȘme et sera capable de discerner ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas ; et de mĂȘme pour les autres, il aura le pouvoir d'examiner ce que chacun sait et a conscience Ă juste titre de savoir, mais aussi ce qu'il croit Ă tort savoir. De cela, aucun autre homme n'est capable. Finalement, l'attitude sĂŽphronein = ĂȘtre sage et la vertu sĂŽphrosunĂš de sagesse, de mĂȘme que la connaissance de soi-mĂȘme consistent Ă savoir ce qu'on ne sait pas. Est-ce bien lĂ ta pensĂ©e ? Charmide, 164d-167a. Marc-AurĂšle, PensĂ©es[modifier modifier le wikicode] Voici les propriĂ©tĂ©s de l'Ăąme raisonnable elle se contemple elle-mĂȘme, se plie, se tourne et se fait ce qu'elle veut ĂȘtre; elle recueille les fruits qu'elle porte, au lieu que les productions des plantes et des animaux sont recueillis par d'autres. En quelque moment que la vie se termine, elle a toujours atteint le but oĂč elle visait. Car il n'en est pas de la vie comme d'une danse et d'une piĂšce de théùtre, ou d'autres reprĂ©sentations, qui restent imparfaites et dĂ©fectueuses si on les interrompt. Ă quelque Ăąge, en quelque lieu que la mort la surprenne, elle forme du temps passĂ© un tout achevĂ© et complet, de sorte qu'elle peut dire J'ai tout ce qui m'appartient.» De plus, elle parcourt l'univers entier et le vide qui l'environne; elle examine sa figure. Elle s'Ă©tend jusqu'Ă l'Ă©ternitĂ©; elle embrasse et considĂšre le renouvellement de l'univers fixĂ© Ă des Ă©poques certaines; elle conçoit que nos neveux ne verront rien de nouveau, comme ceux qui nous ont devancĂ©s n'ont rien vu de mieux que ce que nous voyons, et qu'ainsi un homme qui a vĂ©cu quarante ans, pour peu qu'il ait de l'entendement, a vu, en quelque maniĂšre, tout ce qui a Ă©tĂ© avant lui et qui sera aprĂšs, puisque tous les siĂšcles se ressemblent. Les autres propriĂ©tĂ©s de l'Ăąme sont l'amour du prochain, la vĂ©ritĂ©, la pudeur, et de ne respecter personne plus que soi-mĂȘme, ce qui est le propre de la loi. C'est ainsi que la droite raison ne diffĂšre en rien des rĂšgles de la justice. PensĂ©es, livre XI, art. 1 Descartes, Lettre Ă Gibieuf[modifier modifier le wikicode] La raison pour laquelle je crois que l'Ăąme pense toujours, est la mĂȘme qui me fait croire que la lumiĂšre luit toujours, bien qu'il n'y ait point d'yeux qui la regardent ; que la chaleur est toujours chaude, bien qu'on ne s'y chauffe point ; que le corps, ou la substance Ă©tendue, a toujours de l'extension ; et gĂ©nĂ©ralement, que ce qui constitue la nature d'une chose et toujours en elle, pendant qu'elle existe ; en sorte qu'il me serait plus aisĂ© de croire que l'Ăąme cesserait d'exister, quand on dit qu'elle cesse de penser, que non pas de concevoir, qu'elle fĂ»t sans pensĂ©e. Et je ne vois ici aucune difficultĂ©, sinon qu'on juge superflu de croire qu'elle pense, lorsqu'il ne nous en demeure aucun souvenir par aprĂšs. Mais si on considĂšre que nous avons toutes les nuits mille pensĂ©es, et mĂȘme en veillant que nous en avons eu mille depuis une heure, dont il ne nous reste plus aucune trace en la mĂ©moire, et dont nous ne voyons pas mieux l'utilitĂ©, que de celles que nous pouvons avoir eues avant que de naĂźtre, on aura bien moins de peine Ă se le persuader qu'Ă juger qu'une substance dont la nature est de penser, puisse exister, et toutefois ne penser point. Lettre Ă Gibieuf, 19 janvier 1642, Garnier T. II, p. 909. Descartes, MĂ©ditations mĂ©taphysiques[modifier modifier le wikicode] La mĂ©ditation que je fis hier m'a rempli l'esprit de tant de doutes, qu'il n'est plus dĂ©sormais en ma puissance de les oublier. Et cependant je ne vois pas de quelle façon je les pourrai rĂ©soudre; et comme si tout Ă coup j'Ă©tais tombĂ© dans une eau trĂšs profonde, je suis tellement surpris que je ne puis ni assurer mes pieds dans le fond, ni nager pour me soutenir au-dessus. Je m'efforcerai nĂ©anmoins, et suivrai derechef la mĂȘme voie oĂč j'Ă©tais entrĂ© hier, en m'Ă©loignant de tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, tout de mĂȘme que si je connaissais que cela fĂ»t absolument faux; et je continuerai toujours dans ce chemin, jusqu'Ă ce que j'aie rencontrĂ© quelque chose de certain, ou du moins, si je ne puis autre chose, jusqu'Ă ce que j'aie appris certainement qu'il n'y a rien au monde de certain. ArchimĂšde, pour tirer le globe terrestre de sa place et le transporter en un autre lieu, ne demandait rien qu'un point qui fĂ»t fixe et assurĂ©. Ainsi j'aurai droit de concevoir de hautes espĂ©rances si je suis assez heureux pour trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable. Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses; je me persuade que rien n'a jamais Ă©tĂ© de tout ce que ma mĂ©moire remplie de mensonges me reprĂ©sente; je pense n'avoir aucun sens; je crois que le corps, la figure, l'Ă©tendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. Qu'est-ce donc qui pourra ĂȘtre estimĂ© vĂ©ritable ? Peut-ĂȘtre rien autre chose, sinon qu'il n'y a rien au monde de certain. Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre chose diffĂ©rente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute ? N'y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l'esprit ces pensĂ©es ? Cela n'est pas nĂ©cessaire, car peut-ĂȘtre que je suis capable de les produire de moi-mĂȘme. Moi donc Ă tout le moins ne suis-je pas quelque chose ? Mais j'ai dĂ©jĂ niĂ© que j'eusse aucun sens ni aucun corps. J'hĂ©site nĂ©anmoins, car que s'ensuit-il de lĂ ? Suis-je tellement dĂ©pendant du corps et des sens que je ne puisse ĂȘtre sans eux ? Mais je me suis persuadĂ© qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps; ne me suis-je donc pas aussi persuadĂ© que je n'Ă©tais point ? Non certes, j'Ă©tais sans doute, si je me suis persuadĂ©, ou seulement si j'ai pensĂ© quelque chose. Mais il y a un je ne sais quel trompeur trĂšs puissant et trĂšs rusĂ©, qui emploie toute son industrie Ă me tromper toujours. Il n'y a donc point de doute que je suis, s'il me trompe; et qu'il me trompe tant qu'il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai ĂȘtre quelque chose. De sorte qu'aprĂšs y avoir bien pensĂ©, et avoir soigneusement examinĂ© toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition Je suis, j'existe, est nĂ©cessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit. MĂ©ditations mĂ©taphysiques 1641, MĂ©ditation seconde Pascal[modifier modifier le wikicode] Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tĂȘte car ce n'est que l'expĂ©rience qui nous apprend que la tĂȘte est plus nĂ©cessaire que les pieds. Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensĂ©e ce serait une pierre ou une brute. PensĂ©e fait la grandeur de l'homme. L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'Ă©craser une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'Ă©craserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignitĂ© consiste donc en la pensĂ©e. C'est de lĂ qu'il faut nous relever et non de l'espace et de la durĂ©e, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc Ă bien penser voilĂ le principe de la morale. Roseau pensant. â Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignitĂ©, mais c'est du rĂšglement de ma pensĂ©e. Je n'aurai pas davantage en possĂ©dant des terres par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point; par la pensĂ©e, je le comprends. PensĂ©es 1670, fragments 339, 346, 347 et 348 PASCAL[modifier modifier le wikicode] La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaĂźt misĂ©rable. Un arbre ne se connaĂźt pas misĂ©rable. C'est donc ĂȘtre misĂ©rable que de se connaĂźtre misĂ©rable ; mais c'est ĂȘtre grand que de connaĂźtre qu'on est misĂ©rable. Penser fait la grandeur de l'homme. Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tĂȘte car ce n'est que l'expĂ©rience qui nous apprend que la tĂȘte est plus nĂ©cessaire que les pieds. Mais je ne puis concevoir un homme sans pensĂ©e ce serait une pierre ou une brute. [...] L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'Ă©craser une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'Ă©craserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage de l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignitĂ© consiste donc en la pensĂ©e. C'est de lĂ qu'il nous faut relever et non de l'espace et de la durĂ©e, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc Ă bien penser voilĂ le principe de la morale PensĂ©es LOCKE[modifier modifier le wikicode] Cela posĂ©, pour trouver en quoi consiste l'identitĂ© personnelle, il faut voir ce qu'emporte le mot de personne. C'est, Ă ce que je crois, un Ătre pensant et intelligent, capable de raison et de rĂ©flexion, et qui se peut consulter soi-mĂȘme comme le mĂȘme, comme une mĂȘme chose qui pense en diffĂ©rents temps et en diffĂ©rents lieux ; ce qu'il fait uniquement par le sentiment qu'il a de ses propres actions, lequel est insĂ©parable de la pensĂ©e, et lui est, ce me semble, entiĂšrement essentiel, Ă©tant impossible Ă quelque Ătre que ce soit d'apercevoir sans apercevoir qu'il aperçoit. Lorsque nous voyons, que nous entendons, que nous flairons, que nous goĂ»tons, que nous sentons, que nous mĂ©ditons, ou que nous voulons quelque chose, nous le connaissons Ă mesure que nous le faisons. Cette connaissance accompagne toujours nos sensations et nos perceptions prĂ©sentes et c'est par lĂ que chacun est Ă lui-mĂȘme ce qu'il appelle soi-mĂȘme. ... Car puisque la conscience accompagne toujours la pensĂ©e, et que c'est lĂ ce qui fait que chacun est ce qu'il nomme soi-mĂȘme, et par oĂč il se distingue de toute autre chose pensante c'est aussi en cela seul que consiste l'identitĂ© personnelle, ou ce qui fait qu'un Ătre raisonnable est toujours le mĂȘme. Et aussi loin que cette conscience peut s'Ă©tendre sur les actions ou les pensĂ©es dĂ©jĂ passĂ©es, aussi loin s'Ă©tend l'identitĂ© de cette personne le soi est prĂ©sentement le mĂȘme qu'il Ă©tait alors et cette action passĂ©e a Ă©tĂ© faite par le mĂȘme soi que celui qui se la remet Ă prĂ©sent dans l'esprit. Essai philosophique concernant l'entendement humain HUME[modifier modifier le wikicode] Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons Ă tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuitĂ© d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'Ă©vidence d'une dĂ©monstration, de son identitĂ© et de sa simplicitĂ© parfaites. Pour ma part, quand je pĂ©nĂštre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particuliĂšre ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumiĂšre ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont Ă©cartĂ©es pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions Ă©taient supprimĂ©es par la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haĂŻr aprĂšs la dissolution de mon corps, je serais entiĂšrement annihilĂ© et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait nĂ©ant. Si quelqu'un pense, aprĂšs une rĂ©flexion sĂ©rieuse et impartiale, qu'il a, de lui-mĂȘme, une connaissance diffĂ©rente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui. TraitĂ© de la nature humaine, trad. A. Leroy, t. I, Aubier-Montaigne, 1968, pp. 342-344. ROUSSEAU[modifier modifier le wikicode] Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et cĂ©leste voix ; guide assurĂ© d'un ĂȘtre ignorant et bornĂ©, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable Ă Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralitĂ© de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'Ă©lĂšve au-dessus des bĂȘtes, que le triste privilĂšge de m'Ă©garer d'erreurs en erreurs Ă l'aide d'un entendement sans rĂšgle et d'une raison sans principe. GrĂące au ciel, nous voilĂ dĂ©livrĂ©s de tout cet effrayant appareil de philosophie nous pouvons ĂȘtre hommes sans ĂȘtre savants ; dispensĂ©s de consumer notre vie Ă l'Ă©tude de la morale, nous avons Ă moindres frais un guide plus assurĂ© dans ce dĂ©dale immense des opinions humaines. Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaĂźtre et le suivre. S'il parle Ă tous les cĆurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! c'est qu'il nous parle la langue de la nature, que tout nous a fait oublier. La conscience est timide, elle aime la retraite et la paix ; le monde et le bruit l'Ă©pouvantent les prĂ©juges dont on la fait naĂźtre sont ses plus cruels ennemis ; elle fuit ou se tait devant eux leur voix bruyante Ă©touffe la sienne et l'empĂȘche de se faire entendre ; le fanatisme ose la contrefaire, et dicter le crime en son nom. Elle se rebute enfin Ă force d'ĂȘtre Ă©conduite ; elle ne nous parle plus, elle ne nous rĂ©pond plus, et, aprĂšs de si longs mĂ©pris pour elle, il en coĂ»te autant de la rappeler qu'il en coĂ»ta de la bannir. Profession de foi du vicaire savoyard KANT[modifier modifier le wikicode] Le Je pense doit pouvoir accompagner toutes mes reprĂ©sentations ; car, sinon, quelque chose serait reprĂ©sentĂ© en moi qui ne pourrait pas du tout ĂȘtre pensĂ©, ce qui revient Ă dire que la reprĂ©sentation serait impossible, ou, du moins, qu'elle ne serait rien pour moi. Une telle reprĂ©sentation, qui peut ĂȘtre donnĂ©e avant toute pensĂ©e Denken, s'appelle intuition. Donc tout divers de l'intuition a un rapport nĂ©cessaire au Je pense dans ce mĂȘme sujet oĂč ce divers se rencontre. Mais cette reprĂ©sentation est un acte de la spontanĂ©itĂ©, c'est-Ă -dire qu'elle ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme appartenant Ă la sensibilitĂ©. Je l'appelle l'aperception pure, pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore l'aperception originaire, parce qu'elle est cette conscience de soi qui, tout en produisant la reprĂ©sentation Je pense, doit pouvoir accompagner toutes les autres reprĂ©sentations, et qui, une et identique en toute conscience, ne peut ĂȘtre accompagnĂ©e au-delĂ weiterbegleitet d'aucune. Critique de la Raison pure, 2e ed, 1787 HEGEL[modifier modifier le wikicode] Le contenu concret de la certitude sensible la fait apparaĂźtre Ă premiĂšre vue comme la connaissance la plus riche, voire comme une connaissance d'une richesse infinie, pour laquelle on ne peut trouver aucune limite, ni quand nous allons au-delĂ d'elle dans l'espace et le temps oĂč elle se dĂ©ploie, - ni quand nous dĂ©tachons un fragment de cette plĂ©nitude et que nous y pĂ©nĂ©trons en le divisant. Elle apparaĂźt de plus comme la plus vraie, car elle n'a encore rien Ă©cartĂ© de l'objet, mais l'a devant elle tout entier. Cependant, en fait cette certitude se rĂ©vĂšle comme la vĂ©ritĂ© la plus abstraite et la plus pauvre. De ce qu'elle sait elle dit seulement cela est » ; sa vĂ©ritĂ© ne contient que l'ĂȘtre de la chose. D'un autre cĂŽtĂ©, la conscience n'est dans cette certitude que le Moi pur, en d'autres termes Je suis lĂ seulement comme pur Celui-ci et l'objet n'est que pur Celui-lĂ . La PhĂ©nomĂ©nologie de l'esprit NIETZSCHE[modifier modifier le wikicode] Du gĂ©nie de l'espĂšce ». Le problĂšme de la conscience ou plus exactement de la conscience de soi ne se prĂ©sente Ă nous que lorsque nous commençons Ă comprendre en quelle mesure nous pourrions nous passer de la conscience la physiologie et la zoologie nous placent maintenant au dĂ©but de cette comprĂ©hension il a donc fallu deux siĂšcles pour rattraper la prĂ©monitoire dĂ©fiance de Leibniz1, Car nous pourrions penser, sentir, vouloir, nous souvenir, nous pourrions Ă©galement agir » dans toutes les acceptions du mot, sans qu'il soit nĂ©cessaire que nous ayons conscience » de tout cela. La vie tout entiĂšre serait possible sans qu'elle se vĂźt en quelque sorte dans une glace comme d'ailleurs, maintenant encore, la plus grande partie de la vie s'Ă©coule chez nous sans qu'il y ait une pareille rĂ©flexion , et de mĂȘme la partie pensante, sensitive et agissante de notre vie, quoiqu'un philosophe ancien puisse trouver quelque chose d'offensant dans cette idĂ©e. Pourquoi donc la conscience si, pour tout ce qui est essentiel, elle est superflue ? DĂšs lors, si l'on veut Ă©couter ma rĂ©ponse Ă cette question et les suppositions, peut-ĂȘtre lointaines, qu'elle me suggĂšre, la finesse et la force de la conscience me paraissent toujours ĂȘtre en rapport avec la facultĂ© de communication d'un homme ou d'un animal, et cette facultĂ© fonction du besoin de communiquer mais il ne faut pas entendre ceci comme si l'individu qui serait justement maĂźtres dans l'art de communiquer et d'expliquer ses besoins devrait ĂȘtre lui-mĂȘme rĂ©duit, plus que tout autre, Ă compter sur ses semblables pour ses besoins. Il me semble en revanche qu'il en est ainsi pour des races tout entiĂšres et des gĂ©nĂ©rations successives quand le besoin, la misĂšre, ont longtemps forcĂ© les hommes Ă se communiquer, Ă se comprendre rĂ©ciproquement d'une façon rapide et subite, il finit par se former un excĂ©dent de cette force et de cet art de la communication, en quelque sorte une fortune qui s'est amassĂ©e peu Ă peu, et qui attend maintenant un hĂ©ritier qui la dĂ©pense avec prodigalitĂ© ceux que l'on appelle des artistes sont de ces hĂ©ritiers, de mĂȘme les orateurs, les prĂ©dicateurs, les Ă©crivains toujours des hommes qui arrivent au bout d'une longue chaĂźne, des hommes tardifs au meilleur sens du mot, et qui, de par leur nature, sont des dissipateurs. En admettant que cette observation soit juste, je puis continuer par cette supposition que la conscience s'est seulement dĂ©veloppĂ©e sous la pression du besoin de communication, que, de prime abord, elle ne fut nĂ©cessaire et utile que dans les rapports d'homme Ă homme surtout dans les rapports entre ceux qui commandent et ceux qui obĂ©issent et qu'elle ne s'est dĂ©veloppĂ©e qu'en regard de son degrĂ© d'utilitĂ© dans ce domaine. La conscience n'est en somme qu'un rĂ©seau de communications d'homme Ă homme, ce n'est que comme telle qu'elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de se dĂ©velopper l'homme solitaire et bĂȘte de proie aurait pu s'en passer. Le fait que nos actes, nos pensĂ©es, nos sentiments, nos mouvements parviennent Ă notre conscience du moins en partie est la consĂ©quence d'une terrible nĂ©cessitĂ© qui a longtemps dominĂ© l'homme Ă©tant l'animal qui courait le plus de dangers, il avait besoin d'aide et de protection, il avait besoin de ses semblables, il Ă©tait forcĂ© de savoir exprimer sa dĂ©tresse, de savoir se rendre intelligible et pour tout la il lui fallait d'abord la conscience », pour savoir » lui-mĂȘme ce qui lui manquait, savoir » quelle Ă©tait sa disposition d'esprit, savoir » ce qu'il pensait. Car, je le rĂ©pĂšte, l'homme comme tout ĂȘtre vivant pense sans cesse, mais ne le sait pas ; la pensĂ©e qui devient consciente n'en est que la plus petite partie, disons la partie la plus mĂ©diocre et la plus superficielle ; car c'est cette pensĂ©e consciente seulement qui s'effectue en paroles, c'est-Ă -dire en signes de- communication par quoi l'origine mĂȘme de la conscience se rĂ©vĂšle. En un mot, le dĂ©veloppement du langage et le dĂ©veloppement de la conscience non de la raison, mais seulement de la raison qui devient consciente d'elle mĂȘme se donnent la main. Il faut ajouter encore que ce n'est pas seulement le langage qui sert d'intermĂ©diaire entre les hommes, mais encore le regard, la pression, le geste ; la conscience des impressions de nos propres sens, la facultĂ© de les fixer et de les dĂ©terminer, en quelque sorte en dehors de nous-mĂȘmes, ont augmentĂ© dans la mesure oĂč grandissait la nĂ©cessitĂ© de les communiquer Ă d'autres par des signes. L'homme inventeur de signes est en mĂȘme temps l'homme qui prend conscience de lui-mĂȘme d'une façon toujours plus aiguĂ« ; ce n'est que comme animal social que l'homme apprend Ă devenir conscient de lui-mĂȘme, il le fait encore, il le fait toujours davantage. Mon idĂ©e est, on le voit, que la conscience ne fait pas proprement partie de l'existence individuelle de l'homme, mais plutĂŽt de ce qui appartient chez lui Ă la nature de la communautĂ© et du troupeau ; que, par consĂ©quent, la conscience n'est dĂ©veloppĂ©e d'une façon subtile que par rapport Ă son utilitĂ© pour la communautĂ© et le troupeau, donc que chacun de nous, malgrĂ© son dĂ©sir de se comprendre soi-mĂȘme aussi individuellement que possible, malgrĂ© son dĂ©sir de se connaĂźtre soi-mĂȘme », ne prendra toujours conscience que de ce qu'il y a de non-individuel chez lui, de ce qui est moyen » en lui, que notre pensĂ©e elle-mĂȘme est sans cesse en quelque sorte Ă©crasĂ©e par le caractĂšre propre de la conscience, par le gĂ©nie de l'espĂšce » qui la commande et retraduite dans la perspective du troupeau. Tous nos actes sont au fond incomparablement personnels, uniques, immensĂ©ment individuels, il n'y a Ă la aucun doute ; mais dĂšs que nous les transcrivons dans la conscience, il ne parait plus qu'il en soit ainsi... Ceci est le vĂ©ritable phĂ©nomĂ©nalisme, le vĂ©ritable perspectivisme tel que moi je l'entends la nature de la conscience animale veut que le monde dont nous pouvons avoir conscience ne soit qu'un monde de surface et de signes, un monde gĂ©nĂ©ralisĂ© et vulgarisĂ©, que tout ce qui devient conscient devient par lĂ plat, mince, relativement bĂȘte, devient gĂ©nĂ©ralisation, signe, marque du troupeau, que, dĂšs que l'on prend conscience, il se produit une grande corruption fonciĂšre, une falsification, un aplatissement, une vulgarisation. En fin de compte, l'accroissement de la conscience est un danger et celui qui vit parmi les EuropĂ©ens les plus conscients sait mĂȘme que c'est lĂ une maladie. On devine que ce n'est pas l'opposition entre le sujet et l'objet qui me prĂ©occupe ici ; je laisse cette distinction aux thĂ©oriciens de la connaissance qui sont restĂ©s accrochĂ©s dans les filets de la grammaire la mĂ©taphysique du peuple. C'est moins encore l'opposition entre la chose en soi » et l'apparence car nous sommes loin de connaĂźtre » assez pour pouvoir Ă©tablir cette distinction. Ă vrai dire nous ne possĂ©dons absolument pas d'organe pour la connaissance, pour la vĂ©ritĂ© » nous savons » ou plutĂŽt nous croyons savoir, nous nous figurons justement autant qu'il est utile que nous sachions dans l'intĂ©rĂȘt du troupeau humain, de l'espĂšce et mĂȘme ce qui est appelĂ© ici utilitĂ© » n'est, en fin de compte, qu'une croyance, un jouet de l'imagination et peut-ĂȘtre cette bĂȘtise trĂšs nĂ©faste qui un jour nous fera pĂ©rir. Le Gai Savoir, V, § 354 Nietzsche[modifier modifier le wikicode] La conscience est la derniĂšre et la plus tardive Ă©volution de la vie organique, et par consĂ©quent ce qu'il y a de moins accompli et de plus fragile en elle. C'est de la vie consciente que procĂšdent d'innombrables faux pas, actes manquĂ©s qui font qu'un animal, un ĂȘtre humain pĂ©rissent avant qu'il n'eĂ»t Ă©tĂ© nĂ©cessaire »en dĂ©pit du destin », comme dit HomĂšre. N'Ă©tait le lien conservateur, infiniment plus fort, des instincts, n'Ă©tait la vertu rĂ©gulatrice qu'il exerce dans l'ensemble, l'humanitĂ© devrait pĂ©rir du fait de ses jugements pervertis, de ses dĂ©lires Ă l'Ă©tat de veille, de son manque de fondement et de sa crĂ©dulitĂ©, bref de sa vie consciente mĂȘme ou bien plutĂŽt sans tous ces phĂ©nomĂšnes l'humanitĂ© au ! ait disparu depuis longtemps ! Avant qu'une fonction soit dĂ©veloppĂ©e et mĂ»re, elle constitue un danger pour l'organisme tant mieux si pendant ce temps elle est rudement tyrannisĂ©e ! Ainsi se voit rudement tyrannisĂ©e la conscience et sans doute sa propre fiertĂ© n'est-elle pas ici la moins tyrannique ! On croit que c'est lĂ le noyau de l'homme ce qu'il a de permanent, d'Ă©ternel, d'ultime, de plus originel ! On tient la conscience pour une quantitĂ© stable donnĂ©e ! On nie sa croissance, ses intermittences ! On la conçoit comme unitĂ© de l'organisme » ! Cette surestimation et cette mĂ©connaissance ridicules de la Conscience ont eu pour heureuse consĂ©quence d'Ă©viter son Ă©laboration trop rapide. Parce que les hommes croyaient dĂ©jĂ possĂ©der la conscience ils se sont donnĂ© d'autant moins de mal Ă l'acquĂ©rir, et aujourd'hui encore il n'en est guĂšre autrement ! S'assimiler le savoir, se le rendre instinctif, voilĂ qui constitue une tĂąche absolument nouvelle, Ă peine discernable, dont le regard humain devine tout juste la lueur une tĂąche qui n'est discernĂ©e que de ceux qui ont compris que seules jusqu'Ă prĂ©sent nos erreurs s'Ă©taient assimilĂ©es Ă nous et que toute notre conscience ne se rapporte qu'Ă des erreurs ! Le gai savoir, I, § 11 Bergson[modifier modifier le wikicode] Comment n'ĂȘtre pas frappĂ© du fait que l'homme est capable d'apprendre n'importe quel exercice, de fabriquer n'importe quel objet, enfin d'acquĂ©rir n'importe quelle habitude motrice, alors que la facultĂ© de combiner des mouvements nouveaux est strictement limitĂ©e chez l'animal le mieux douĂ©, mĂȘme chez le singe ? La caractĂ©ristique cĂ©rĂ©brale de l'homme est lĂ . Le cerveau humain est fait, comme tout cerveau, pour monter des mĂ©canismes moteurs et pour nous laisser choisir parmi eux, Ă un instant quelconque, celui que nous mettrons en mouvement par un jeu de dĂ©clic. Mais il diffĂšre des autres cerveaux en ce que le nombre des mĂ©canismes qu'il peut monter, et par consĂ©quent le nombre des dĂ©clics entre lesquels il donne le choix, est indĂ©fini. Or, du limitĂ© Ă l'illimitĂ© il y a toute la distance du fermĂ© Ă l'ouvert. Ce n'est pas une diffĂ©rence de degrĂ©, mais de nature. Radicale aussi, par consĂ©quent, est la diffĂ©rence entre la conscience de l'animal, mĂȘme le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement Ă la puissance de choix dont l'ĂȘtre vivant dispose ; elle est coextensive Ă la frange d'action possible qui entoure l'action rĂ©elle conscience est synonyme d'invention et de libertĂ©. Or, chez l'animal, l'invention n'est jamais qu'une variation sur le thĂšme de la routine. EnfermĂ© dans les habitudes de l'espĂšce, il arrive sans doute Ă les Ă©largir par son initiative individuelle ; mais il n'Ă©chappe Ă l'automatisme que pour un instant, juste le temps de crĂ©er un automatisme nouveau les portes de sa prison se referment aussitĂŽt ouvertes ; en tirant sur sa chaĂźne il ne rĂ©ussit qu'Ă l'allonger. Avec l'homme, la conscience brise la chaĂźne. Chez l'homme, et chez l'homme seulement, elle se libĂšre. L'Ă©volution crĂ©atrice, p. 264-265 Marx[modifier modifier le wikicode] Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports dĂ©terminĂ©s, nĂ©cessaires, indĂ©pendants de leur volontĂ© ; ces rapports de production correspondent Ă un degrĂ© donnĂ© du dĂ©veloppement de leurs forces productives matĂ©rielles. L'ensemble de ces rapports forme ; la structure Ă©conomique de la sociĂ©tĂ©, la fondation rĂ©elle sur laquelle s'Ă©lĂšve un Ă©difice juridique et politique, et Ă quoi rĂ©pondent des formes dĂ©terminĂ©es de la conscience sociale. Le mode de production de la vie matĂ©rielle domine en gĂ©nĂ©ral le dĂ©veloppement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n'est pas la conscience des hommes qui dĂ©termine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui dĂ©termine leur conscience. Ă un certain degrĂ© de leur dĂ©veloppement, les forces productives matĂ©rielles de la sociĂ©tĂ© entrent en collision avec les rapports de production existants, ou avec les rapports de propriĂ©tĂ© au sein desquels elles s'Ă©taient mues jusqu'alors, et qui n'en sont que l'expression juridique. Hier encore formes de dĂ©veloppement des forces productives, ces conditions se changent en de lourdes entraves. Alors commence une Ăšre de rĂ©volution sociale. Le changement dans les fondations Ă©conomiques s'accompagne d'un bouleversement plus ou moins rapide dans tout cet Ă©norme Ă©difice. Quand on considĂšre ce bouleversements il faut toujours distinguer deux ordres de choses. Il y a le bouleversement matĂ©riel des conditions de production Ă©conomique. On doit le constater dans l'esprit de rigueur des sciences naturelles. Mais il y a aussi les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques, philosophiques, bref les formes idĂ©ologiques, dans lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le poussent jusqu'au bout. On ne juge pas une Ă©poque de rĂ©volution d'aprĂšs la conscience qu'elle a d'elle-mĂȘme. Avant-propos Ă la Critique de l'Ăconomie politique Alain[modifier modifier le wikicode] Dans le sommeil, je suis tout ; mais je n'en sais rien. La conscience suppose rĂ©flexion, division. La conscience n'est pas immĂ©diate. Je pense, et puis je pense que je pense, par quoi je distingue Sujet et Objet, Moi et le monde. Moi et ma sensation. Moi et mon sentiment. Moi et mon idĂ©e. C'est bien le pouvoir de douter qui est la vie du moi. Par ce mouvement, tous les instants tombent au passĂ©. Si l'on se retrouvait tout entier, c'est alors qu'on ne se reconnaĂźtrait pas. Le passĂ© est insuffisant, dĂ©passĂ©. Je ne suis plus cet enfant, cet ignorant, ce naĂŻf. ce moment-lĂ mĂȘme j'Ă©tais autre chose en espĂ©rance en avenir. La conscience de soi est la conscience d'un devenir et d'une formation de soi irrĂ©versible, irrĂ©parable. Ce que je voulais, je le suis devenu. VoilĂ le lien entre le passĂ© et le prĂ©sent, pour le mal comme pour le bien. Ainsi le moi est un refus d'ĂȘtre moi, qui en mĂȘme temps conserve les moments dĂ©passĂ©s. Se souvenir, c'est sauver ses souvenirs, c'est se tĂ©moigner qu'on les a dĂ©passĂ©s. c'est les juger. Le passĂ©, ce sont des expĂ©rience que je ne ferai plus. Un artiste reconnaĂźt dans ses Ćuvres qu'il ne s'Ă©tait pas encore trouvĂ© lui-mĂȘme, qu'il ne s'Ă©tait pas encore dĂ©livrĂ© ; mais il y retrouve un pressentiment de ce qui a suivi. C'est cet Ă©lan qui ordonne les souvenirs selon le temps. Alain[modifier modifier le wikicode] L'Ăąme c'est ce qui refuse le corps. Par exemple ce qui refuse de fuir quand le corps tremble, ce qui refuse de frapper quand le corps s'irrite, ce qui refuse de boire quand le corps a soif, ce qui refuse de prendre quand le corps dĂ©sire, ce qui refuse d'abandonner quand le corps a horreur. Ces refus sont des faits de l'homme. Le total refus est la saintetĂ© ; l'examen avant de suivre est la sagesse ; et cette force de refus c'est l'Ăąme. Le fou n'a aucune force de refus ; il n'a plus d'Ăąme. On dit aussi qu'il n'a plus conscience et c'est vrai. Qui cĂšde absolument Ă son corps soit pour frapper, soit pour fuir, soit seulement pour parler, ne sait plus ce qu'il fait ni ce qu'il dit. On ne prend conscience que par opposition de soi Ă soi. Exemple Alexandre Ă la traversĂ©e d'un dĂ©sert reçoit un casque plein d'eau ; il remercie, et le verse par terre devant toute l'arme. MagnanimitĂ© ; Ăąme, c'est-Ă -dire grande Ăąme. Il n'y a point d'Ăąme vile ; mais seulement on manque d'Ăąme. Ce beau mot ne dĂ©signe nullement un ĂȘtre, mais toujours une action. Sartre[modifier modifier le wikicode] Que doit donc ĂȘtre une conscience pour qu'elle puisse successivement poser des objets rĂ©els et des objets imagĂ©s ? ... La condition pour qu'une conscience puisse imaginer est donc double il faut Ă la fois qu'elle puisse poser le monde dans sa totalitĂ© synthĂ©tique et, Ă la fois, qu'elle puisse poser l'objet imaginĂ© comme hors d'atteinte par rapport Ă cet ensemble synthĂ©tique, c'est-Ă -dire poser le monde comme un nĂ©ant par rapport Ă l'image. Il suit de lĂ clairement que toute crĂ©ation d'imaginaire serait totalement impossible Ă une conscience dont la nature serait prĂ©cisĂ©ment d'ĂȘtre au-milieu-du-monde ». Si nous supposons en effet une conscience placĂ©e au sein du monde comme un existant parmi d'autres, nous devons la concevoir, par hypothĂšse, comme soumise sans recours Ă l'action des diverses rĂ©alitĂ©s sans qu'elle puisse par ailleurs dĂ©passer le dĂ©tail de ces rĂ©alitĂ©s par une intuition qui embrasserait leur totalitĂ©. Cette conscience ne pourrait donc contenir que des modifications rĂ©elles provoquĂ©es par des actions rĂ©elles et toute imagination lui serait interdite, prĂ©cisĂ©ment dans la mesure oĂč elle serait enlisĂ©e dans le rĂ©el. Cette conception d'une conscience embourbĂ©e dans le monde ne nous est pas inconnue car c'est prĂ©cisĂ©ment celle du dĂ©terminisme psychologique. Nous pouvons affirmer sans crainte que, si la conscience est une succession de faits psychiques dĂ©terminĂ©s, il est totalement impossible qu'elle produise jamais autre chose que du rĂ©el. Pour qu'une conscience puisse imaginer il faut qu'elle Ă©chappe au monde par sa nature mĂȘme, il faut qu'elle puisse tirer d'elle-mĂȘme une position de recul par rapport au monde. En un mot il faut qu'elle soit libre. L'Imaginaire, Paris, Ed. Gallimard, 1940, pp 346-353. Sartre[modifier modifier le wikicode] Il la mangeait des yeux. » Cette phrase et beaucoup d'autres signes marquent assez l'illusion commune au rĂ©alisme et Ă l'idĂ©alisme, selon laquelle connaĂźtre, c'est manger. La philosophie française, aprĂšs cent ans d'acadĂ©misme, en est encore lĂ . Nous avons tous lu Brunschvicg, Lalande et Meyerson, nous avons tous cru que l'Esprit-AraignĂ©e attirait les choses dans sa toile, les couvrait d'une bave blanche et lentement les dĂ©glutissait, les rĂ©duisait Ă sa propre substance. Qu'est-ce qu'une table, un rocher, une maison ? Un certain assemblage de contenus de conscience », un ordre de ces contenus. O philosophie alimentaire ! Rien ne semblait pourtant plus Ă©vident la table n'est-elle pas le contenu actuel de ma perception, ma perception n'est-elle pas l'Ă©tat prĂ©sent de ma conscience ? Nutrition, assimilation. Assimilation, disait M. Lalande, des choses aux idĂ©es, des idĂ©es entre elles et des esprits entre eux. Les puissantes arĂȘtes du monde Ă©taient rongĂ©es par ces diligentes diastases assimilation, unification, identification. En vain, les plus simples et les plus rudes parmi nous cherchaient-ils quelque chose de solide, quelque chose, enfin, qui ne fĂ»t pas l'esprit ; ils ne rencontraient partout qu'un brouillard mou et si distinguĂ© eux-mĂȘmes. Contre la philosophie digestive de l'empiriocriticisme, du nĂ©o-kantisme, contre tout psychologisme », Husserl ne se lasse pas d'affirmer qu'on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience. Vous voyez cet arbre-ci, soit. Mais vous le voyez Ă l'endroit mĂȘme oĂč il est au bord de la route au milieu de la poussiĂšre, seul et tordu sous la chaleur, Ă vingt lieues de la cĂŽte mĂ©diterranĂ©enne. Il ne saurait entrer dans votre conscience, car il n'est pas de mĂȘme nature qu'elle. Vous croyez ici reconnaĂźtre Bergson et le premier chapitre de MatiĂšre et MĂ©moire. Mais Husserl n'est point rĂ©aliste cet arbre sur son bout de terre craquelĂ©, il n'en fait pas un absolu qui entrerait, par aprĂšs, en communication avec nous. La conscience et le monde sont donnĂ©s d'un mĂȘme coup extĂ©rieur par essence Ă la conscience, le monde est, par essence, relatif Ă elle. C'est que Husserl voit dans la conscience un fait irrĂ©ductible qu'aucune image physique ne peut rendre. Sauf, peut-ĂȘtre, l'image rapide et obscure de l'Ă©clatement ConnaĂźtre, c'est s'Ă©clater vers », s'arracher Ă la moite intimitĂ© gastrique pour filer, lĂ -bas, par delĂ soi, vers ce qui n'est pas soi, lĂ -bas, prĂšs de l'arbre et cependant hors de lui car il m'Ă©chappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'il ne se peut diluer en moi hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l'arbre n'Ă©tait pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnĂȘtetĂ©, se comparer Ă la possession. Du mĂȘme coup, la conscience s'est purifiĂ©e, elle est claire comme un grand vent, il n'y a plus rien en elle sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez dans » une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejetĂ© au-dehors, prĂšs de l'arbre, en pleine poussiĂšre, car la conscience n'a pas de dedans », elle n'est rien que le dehors d'elle-mĂȘme et c'est cette fuite absolue, ce refus d'ĂȘtre substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez Ă prĂ©sent une suite lice d'Ă©clatements qui nous arrachent Ă nous-mĂȘmes, qui ne laissent mĂȘme pas Ă un nous-mĂȘmes » le loisir de se former derriĂšre eux, mais qui nous jettent au contraire au-delĂ d'eux, dans la poussiĂšre sĂšche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetĂ©s, dĂ©laissĂ©s par notre nature mĂȘme dans un monde indiffĂ©rent, hostile et, rĂ©tif, vous aurez saisi le sens profond de la dĂ©couverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase Toute conscience est conscience de quelque chose. » Il n'en faut pas plus pour mettre un terme Ă la philosophie douillette de l'immanence, oĂč tout se fait par compromis, Ă©changes protoplasmiques, par une tiĂšde chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand-route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumiĂšre. Ătre, dit Heidegger, c'est ĂȘtre-dans-le-monde. Comprenez cet ĂȘtre-dans » au sens de mouvement. Ătre, c'est Ă©clater dans le monde, c est partir d'un nĂ©ant de monde et de conscience pour soudain s'Ă©clater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaye de se reprendre, de coĂŻncider enfin avec elle-mĂȘme, tout au chaud, volets clos, elle s'anĂ©antit. Cette nĂ©cessitĂ© pour la conscience d'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme intentionnalitĂ© ». J'ai parlĂ© d'abord de la connaissance pour me faire mieux entendre la philosophie française, qui nous a formĂ©s, ne connaĂźt plus guĂšre que l'Ă©pistĂ©mologie. Mais, pour Husserl et les phĂ©nomĂ©nologues, la conscience que nous prenons des choses ne se limite point Ă leur connaissance. La connaissance ou pure reprĂ©sentation » n'est qu'une des formes possibles de ma conscience de » cet arbre ; Je puis aussi l'aimer, le craindre, le haĂŻr, et ce dĂ©passement de la conscience par elle-mĂȘme, qu'on nomme intentionnalitĂ© », se retrouve dans la crainte, la haine et l'amour ; haĂŻr autrui, c'est une maniĂšre encore de s'Ă©clater vers lui, c est se trouver soudain en face d'un Ă©tranger dont on vit, dont on souffre d'abord la qualitĂ© objective de haĂŻssable ». VoilĂ que, tout d'un coup, ces fameuses rĂ©actions a subjectives », haine, amour, crainte, sympathie, qui flottaient dans la saumure malodorante de l'Esprit, s'en arrachent ; elles ne sont que des maniĂšres de dĂ©couvrir le monde. Ce sont les choses qui se dĂ©voilent soudain Ă nous comme haĂŻssables, sympathiques, horribles, aimables. C'est une propriĂ©tĂ© de ce masque japonais que d'ĂȘtre terrible, une inĂ©puisable, irrĂ©ductible propriĂ©tĂ© qui constitue sa nature mĂȘme, et non la somme de nos rĂ©actions subjectives Ă un morceau de bois sculptĂ©. Husserl a rĂ©installĂ© l'horreur et le charme dans les choses. Il nous a restituĂ© le monde des artistes et des prophĂštes effrayant, hostile, dangereux, avec des havres de grĂące et d'amour. Il a fait la place nette pour un nouveau traitĂ© des passions qui s'inspirerait de cette vĂ©ritĂ© si simple et si profondĂ©ment mĂ©connue par nos raffinĂ©s si nous aimons une femme, c'est parce qu'elle est aimable. Nous voilĂ dĂ©livrĂ©s de Proust. DĂ©livrĂ©s en mĂȘme temps de la vie intĂ©rieure » ; en vain chercherions-nous, comme Amiel, comme une enfant qui s'embrasse l'Ă©paule, les caresses, les dorlotements de notre intimitĂ©, puisque finalement tout est dehors, tout, jusqu'Ă nous-mĂȘmes dehors, dans le monde, parmi les autres. Ce n'est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous dĂ©couvrirons c'est sur la route, dans la ville au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes. La Nouvelle Revue Française, janvier 1939, in Situations I, Tel Gallimard Bibliographie[modifier modifier le wikicode] Descartes, Discours de la mĂ©thode Descartes, MĂ©ditations mĂ©taphysiques Descartes, Principes de la philosophie Pascal, PensĂ©es Locke, Essai sur l'entendement humain Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain Kant]], Critique de la raison pure Henri Bergson, Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience Sigmund Freud, Introduction Ă la psychanalyse Sigmund Freud, Cinq leçons de psychanalyse Daniel Dennett, La Conscience expliquĂ©e
. 583 417 697 354 693 512 311 574